Rousseau par Maurice Quentin de La Tour
Les hommes partagent ce sentiment qu'est la pitié pour corriger l'amour de soi. La pitié est un sentiment qui permet d'instituer un intérêt commun par le partage.
Texte
"Il est donc bien certain que la pitié est un sentiment naturel qui, modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce. C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir; c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois, de mœurs et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix ; c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant ou à un vieillard infirme sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs ; c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée : « Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse », inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle, bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente : « Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible ». C'est, en un mot, dans ce sentiment naturel […] qu'il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de l'éducation."
Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755, première partie
Questions
1. Pourquoi le sentiment de pitié est-il plus efficace que la raison ?
2. Quel est le sens étymologique de la raison ? Que nous apprend-il sur les limites de la raison ?